La conception de l’âme a conservé une cohérence remarquable du début à la fin de la production écrite d’Augustin après sa conversion. Deux éléments fondamentaux caractérisent cette conception : d’une part, l’idée de l’incorporéité de l’âme ; d’autre part, l’idée de la différence de nature entre l’âme et Dieu. Ces deux éléments peuvent être considérés comme anti-manichéens. Pendant sa période d’adhésion au manichéisme, en effet, Augustin avait conçu l’âme comme un fragment de Dieu et Dieu lui-même comme un corps lumineux et immense (cf. Conf. IV, 16, 30). L’idée de l’incorporéité de l’âme dérive du néo-platonisme des Platonicorum libri, tandis que l’idée de la différence de nature entre l’âme et Dieu dérive de la foi biblique en la création, d’où découle également l’idée que l’image créée de Dieu se trouve dans l’âme elle-même, et plus précisément dans l’esprit (mens), qui est la partie caractéristique de l’âme humaine. Augustin, en adoptant et adaptant un schéma d’origine porphyrienne (comme l’a montré Jean Pépin), place l’âme au centre d’une hiérarchie ontologique fondée sur le degré de mutabilité : l’âme est supérieure au corps, car elle n’est pas étendue et ne peut donc pas changer dans l’espace, et cependant elle est inférieure à Dieu, car elle change dans le temps, alors que Dieu est absolument immuable. La loi générale de la hiérarchie est que plus une chose change, moins elle est. La position intermédiaire de l’âme a une signification importante non seulement pour la métaphysique, mais aussi et surtout pour l’éthique. L’âme sera vertueuse si son amour respecte l’ordre hiérarchique de la réalité, c’est-à-dire si elle s’aime elle-même plus que le corps et aime Dieu plus qu’elle-même. L’idéal éthique d’Augustin est celui d’une relation harmonieuse, fondée sur l’ordre, de l’âme avec le monde corporel (à commencer par son propre corps) et avec Dieu. Cette relation harmonieuse est brisée par le péché, à cause duquel l’âme refuse de servir Dieu et se laisse dominer par les corps. Le péché bouleverse la relation de l’âme avec Dieu et avec le corps, la rend conflictuelle et finit par la rompre, en entraînant la mort spirituelle (séparation de l’âme de Dieu) et la mort physique (séparation de l’âme du corps). Selon la pensée de la maturité d’Augustin, la mort physique et la rébellion du corps contre l’âme sont une punition pour le péché de rébellion contre Dieu commis par Adam. La grâce du Christ guérit tout d’abord la relation de l’âme avec Dieu, en la rétablissant progressivement dans l’harmonie perdue, et recrée ainsi les conditions d’une relation nouvellement harmonieuse entre l’âme et le corps.

Entre le corps et Dieu. Le statut médian de l'âme dans la pensée de saint Augustin

Giovanni Catapano
2023

Abstract

La conception de l’âme a conservé une cohérence remarquable du début à la fin de la production écrite d’Augustin après sa conversion. Deux éléments fondamentaux caractérisent cette conception : d’une part, l’idée de l’incorporéité de l’âme ; d’autre part, l’idée de la différence de nature entre l’âme et Dieu. Ces deux éléments peuvent être considérés comme anti-manichéens. Pendant sa période d’adhésion au manichéisme, en effet, Augustin avait conçu l’âme comme un fragment de Dieu et Dieu lui-même comme un corps lumineux et immense (cf. Conf. IV, 16, 30). L’idée de l’incorporéité de l’âme dérive du néo-platonisme des Platonicorum libri, tandis que l’idée de la différence de nature entre l’âme et Dieu dérive de la foi biblique en la création, d’où découle également l’idée que l’image créée de Dieu se trouve dans l’âme elle-même, et plus précisément dans l’esprit (mens), qui est la partie caractéristique de l’âme humaine. Augustin, en adoptant et adaptant un schéma d’origine porphyrienne (comme l’a montré Jean Pépin), place l’âme au centre d’une hiérarchie ontologique fondée sur le degré de mutabilité : l’âme est supérieure au corps, car elle n’est pas étendue et ne peut donc pas changer dans l’espace, et cependant elle est inférieure à Dieu, car elle change dans le temps, alors que Dieu est absolument immuable. La loi générale de la hiérarchie est que plus une chose change, moins elle est. La position intermédiaire de l’âme a une signification importante non seulement pour la métaphysique, mais aussi et surtout pour l’éthique. L’âme sera vertueuse si son amour respecte l’ordre hiérarchique de la réalité, c’est-à-dire si elle s’aime elle-même plus que le corps et aime Dieu plus qu’elle-même. L’idéal éthique d’Augustin est celui d’une relation harmonieuse, fondée sur l’ordre, de l’âme avec le monde corporel (à commencer par son propre corps) et avec Dieu. Cette relation harmonieuse est brisée par le péché, à cause duquel l’âme refuse de servir Dieu et se laisse dominer par les corps. Le péché bouleverse la relation de l’âme avec Dieu et avec le corps, la rend conflictuelle et finit par la rompre, en entraînant la mort spirituelle (séparation de l’âme de Dieu) et la mort physique (séparation de l’âme du corps). Selon la pensée de la maturité d’Augustin, la mort physique et la rébellion du corps contre l’âme sont une punition pour le péché de rébellion contre Dieu commis par Adam. La grâce du Christ guérit tout d’abord la relation de l’âme avec Dieu, en la rétablissant progressivement dans l’harmonie perdue, et recrée ainsi les conditions d’une relation nouvellement harmonieuse entre l’âme et le corps.
2023
Penser l'âme au temps de son éclipse. Les ressources de l'anthropologie chrétienne
978-2-204-15765-0
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