La coopération aéronautique européenne a fait l’objet d’études historiques depuis quelques années. Pour sa méthodologie, le présent volume part de ces recherches précédentes et du constat suivant qu’elles permettent d’avancer : les travaux sur l’histoire des coopérations aéronautiques européennes dans la seconde moitié du 20ème siècle constituent un carrefour historiographique à trois égards, au moins. D’abord, cette analyse nécessite une approche transnationale. Le croisement des résultats nationaux de recherches ou du produit de recherches nationales ne suffit pas à en comprendre le fonctionnement. Faire coexister des approches nationales, même brillantes , risque de cacher la nature transnationale des coopérations aéronautiques. Car, en effet, il s’agit bien d’approcher un phénomène fondamentalement interactif. Ensuite, la durée du phénomène étudié implique une méthodologie adaptée. D’une part, en raison de la nature du « produit » : « fabriquer » un avion ne s’improvise pas. C’est le fruit d’une succession considérable d’expertises. D’autre part, parce qu’un aéronef est le fruit d’un travail en réseau. National sans doute, et par la suite transnational dans les cas qui nous préoccupe, ce qui nécessite du temps. Etudier la production aéronautique coordonnée demande donc de dépasser les périodisations établies jusqu’ici pour l’après 1945 en Europe. Seule la longue période nous semble permettre, sinon d’atteindre ce résultat, du moins de suggérer des pistes propices à dégager une analyse synthétique de ces mécanismes, surtout dans une optique transnationale. Enfin, et c’est le sens même du mot « carrefour », la coopération aéronautique européenne convoque des historiens provenant de champs de recherche divers. L’aéronautique est aussi un domaine qui permet et même demande d’entrecroiser différentes branches de l’histoire contemporaine. L’histoire économique et l’histoire militaire certes, mais aussi, de notre point de vue, l’histoire de la technologie. Dans le sillage des études sur le rapport entre technologie et politique étrangère , l’historiographie sur la construction européenne a été explorée par des projets pilotes qui ont marqué à jamais le terrain, tel celui sur l’Agence spatiale européenne . Mais ceux-ci n’ont été suivis que par de rares initiatives de relance, qui ne sont pas restées que des tentatives « déconnectées » de l’historiographie sur l’intégration européenne. Pourtant il s’agit là d’ un champ historiographique – intégration européenne et technologie – et des pistes de recherche – le rôle des Etats mais aussi des institutions « communautaires » – encore à creuser. Dans les toutes dernières années, cette tendance déboucha sur de nouveau travaux, et aussi dans la Revue d’Histoire de l’intégration européenne (Vol. XII, n° 2, 2006). En mettant l’accent sur le lien entre technologie et politique étrangère, l’aéronautique constitue évidemment dans les mains d’un gouvernement un outil de politique industrielle et technologique, économique ou même sociale. L’avion pousse aussi l’Etat vers l’extérieur par sa nature même. Il faut le vendre, mais avant tout, de plus en plus cher et sophistiqué, il est le fruit d’innovations technologiques et managériales constantes, nécessite des coproductions et des cofinancements. Et donc des capitaux à drainer par la voie privée ou grâce aux commandes de l’Etat puis, progressivement, à son soutien lors du lancement de projets en commun. Enfin, l’avion est un instrument de leadership voire d’hégémonie par la maîtrise scientifique et technologique qu’il suppose. On est donc là au cœur des relations internationales, et par là on s’interroge sur la possibilité que l’histoire de la coopération aéronautique en Europe puisse effectivement livrer de nouvelles clés d’interprétation profitables à l’histoire du processus de construction européenne sans se coincer dans une lecture exclusivement institutionnelle.

Les coopérations aéronautiques en Europe dans les années 1950-1980: une opportunité pour relire l’histoire de la construction européenne

BURIGANA, DAVID;
2010

Abstract

La coopération aéronautique européenne a fait l’objet d’études historiques depuis quelques années. Pour sa méthodologie, le présent volume part de ces recherches précédentes et du constat suivant qu’elles permettent d’avancer : les travaux sur l’histoire des coopérations aéronautiques européennes dans la seconde moitié du 20ème siècle constituent un carrefour historiographique à trois égards, au moins. D’abord, cette analyse nécessite une approche transnationale. Le croisement des résultats nationaux de recherches ou du produit de recherches nationales ne suffit pas à en comprendre le fonctionnement. Faire coexister des approches nationales, même brillantes , risque de cacher la nature transnationale des coopérations aéronautiques. Car, en effet, il s’agit bien d’approcher un phénomène fondamentalement interactif. Ensuite, la durée du phénomène étudié implique une méthodologie adaptée. D’une part, en raison de la nature du « produit » : « fabriquer » un avion ne s’improvise pas. C’est le fruit d’une succession considérable d’expertises. D’autre part, parce qu’un aéronef est le fruit d’un travail en réseau. National sans doute, et par la suite transnational dans les cas qui nous préoccupe, ce qui nécessite du temps. Etudier la production aéronautique coordonnée demande donc de dépasser les périodisations établies jusqu’ici pour l’après 1945 en Europe. Seule la longue période nous semble permettre, sinon d’atteindre ce résultat, du moins de suggérer des pistes propices à dégager une analyse synthétique de ces mécanismes, surtout dans une optique transnationale. Enfin, et c’est le sens même du mot « carrefour », la coopération aéronautique européenne convoque des historiens provenant de champs de recherche divers. L’aéronautique est aussi un domaine qui permet et même demande d’entrecroiser différentes branches de l’histoire contemporaine. L’histoire économique et l’histoire militaire certes, mais aussi, de notre point de vue, l’histoire de la technologie. Dans le sillage des études sur le rapport entre technologie et politique étrangère , l’historiographie sur la construction européenne a été explorée par des projets pilotes qui ont marqué à jamais le terrain, tel celui sur l’Agence spatiale européenne . Mais ceux-ci n’ont été suivis que par de rares initiatives de relance, qui ne sont pas restées que des tentatives « déconnectées » de l’historiographie sur l’intégration européenne. Pourtant il s’agit là d’ un champ historiographique – intégration européenne et technologie – et des pistes de recherche – le rôle des Etats mais aussi des institutions « communautaires » – encore à creuser. Dans les toutes dernières années, cette tendance déboucha sur de nouveau travaux, et aussi dans la Revue d’Histoire de l’intégration européenne (Vol. XII, n° 2, 2006). En mettant l’accent sur le lien entre technologie et politique étrangère, l’aéronautique constitue évidemment dans les mains d’un gouvernement un outil de politique industrielle et technologique, économique ou même sociale. L’avion pousse aussi l’Etat vers l’extérieur par sa nature même. Il faut le vendre, mais avant tout, de plus en plus cher et sophistiqué, il est le fruit d’innovations technologiques et managériales constantes, nécessite des coproductions et des cofinancements. Et donc des capitaux à drainer par la voie privée ou grâce aux commandes de l’Etat puis, progressivement, à son soutien lors du lancement de projets en commun. Enfin, l’avion est un instrument de leadership voire d’hégémonie par la maîtrise scientifique et technologique qu’il suppose. On est donc là au cœur des relations internationales, et par là on s’interroge sur la possibilité que l’histoire de la coopération aéronautique en Europe puisse effectivement livrer de nouvelles clés d’interprétation profitables à l’histoire du processus de construction européenne sans se coincer dans une lecture exclusivement institutionnelle.
2010
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