Enfers du Nom dans A la recherche du temps perdu

Désigner (en contexte) n’est pas dénommer (stablement). Les « êtres de papiers » de la Recherche acquièrent leur statut de personnage dans le jeu et la tension qui s’instaurent entre ces deux modalités référentielles : le prénom, le nom de famille, les titres, les surnoms, sobriquets et diminutifs, les déformations injurieuses constituent le paradigme dont tantôt la progression tantôt l’alternance file la chaine référentielle du personnage tout au long du roman. Que le nom puisse être malmené ou concurrencé permet au paysage social du roman de se transformer par endroits et pas à-coups. Deux tendances opposées poussent à modifier un nom propre : un désir d’ascension sociale, ou symétriquement, et bien plus fréquemment, un geste de rejet, un verdict d’exclusion du groupe, qui trace pour la victime le seuil même de l’enfer social : l’isolement. Cet article analyse les divers procédés phonétiques, morphologiques et syntaxiques mis en œuvre par les personnages pour défigurer le nom d’autrui.