La bonne forme de Chloé Delaume: vingt ans de recherche pour dire le malaise

Le premier roman de Chloé Delaume, "Les mouflettes d’Atropos" (2000), s’ouvre avec la recherche d’une formule pour calculer « la puissance. L’intensité. La mordorure. La qualité de la douleur » que la narratrice cause à la maîtresse de son mari en frappant le col de son utérus avec un bouchon. Dans cette autofiction de vengeance, hautement fragmentaire, la protagoniste évoque son abandon du domicile conjugal et le choix de la prostitution en citant – entre autre – le "Scum Manifesto" de Valérie Solanas. Le tout dernier roman de Chloé Delaume, "Le cœur synthétique" (2020), a comme héros le cœur d’Adélaïde qui « cogne douloureusement, comme s’il avait été frotté avec du papier de verre ». C’est une comédie acidulée, le récit initiatique de la recherche d’une maîtrise de soi de la part d’une divorcée de 46 ans accompagnée de ses 4 amies ; une sorte de pendant de l’essai sur la sororité sorti en 2019, "Mes bien chères sœurs". En 20 ans, Delaume a publié presque une trentaine de livres au style reconnaissable mais aux dispositifs variables qui, dans la plupart des cas, ne racontent pas une histoire, mais qui visent toujours la bonne forme pour exprimer le malaise du Moi et d’autrui.